Il y aura pléthore de nouveaux millionnaires en Afrique ces dix prochaines années, constate dans son dernier rapport annuel le cabinet londonien Henley & Partners. Selon les estimations de cette société de conseil en patrimoine, publiées le 16 avril, le nombre de millionnaires devrait augmenter de 65% au cours des 10 prochaines années sur le continent, également le plus jeune du monde par sa forte démographie.
Actuellement, quelque 135.200 particuliers fortunés (avec une richesse liquide investissable de 1 million de dollars ou plus) vivent en Afrique, ainsi que 342 centimillionnaires et 21 milliardaires. La majorité de ces personnes très riches vivent dans les cinq États que sont l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Nigeria, le Kenya et le Maroc. Dans ces pays résident 56% des millionnaires du continent et plus de 90% de ses milliardaires. Johannesburg reste la ville la plus riche d’Afrique, avec 12.300 millionnaires, 25 centimillionnaires et 2 milliardaires, suivie de près par Cape Town avec 7 400 millionnaires, 28 centimillionnaires et 1 milliardaire. Viennent ensuite Le Caire (7200 millionnaires), Nairobi (4400) et Lagos (200).
Mais la prochaine décennie devrait voir émerger d’autres États. Jusqu’en 2033, Maurice, la Namibie, la Zambie, l’Ouganda et le Rwanda vont voir leur taux de millionnaires augmenter… de plus de 80%. Le Maroc et le Kenya, déjà dans les cinq États les plus nantis en personnes riches, vont aussi connaître la même augmentation record. L’île Maurice notamment, dans l’océan Indien, va connaître la plus forte hausse, avec plus de 95% de millionnaires supplémentaires en 10 ans, grâce à «sa gouvernance stable et son régime fiscal favorable », explique le rapport annuel.
La moitié des milliardaires africains vivent hors du continent
Les auteurs du rapport, dont 2024 marquent la 9e édition, font un autre constat : si ces millionnaires africains sont de plus en plus nombreux, une grande partie d’entre eux quittent le continent, pour vivre dans d’autres régions du monde. Selon les chiffres de New World Wealth, cabinet sud-africain de renseignement en patrimoine co-éditeur du rapport, « environ 18.700 personnes fortunées ont quitté l’Afrique au cours de la dernière décennie ». La plupart de ces très riches Africains se sont installés au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Australie et aux Émirats arabes unis. Un nombre important de personnes ont également déménagé en France, en Suisse, à Monaco, au Portugal, au Canada, en Nouvelle-Zélande et en Israël, précise encore le New World Wealth.
« Il y a actuellement 54 milliardaires nés en Afrique dans le monde, dont l’un des plus riches du monde est Elon Musk, mais seuls 21 d’entre eux vivent encore sur le continent », relève ainsi Andrew Amoils, directeur de recherche dans le cabinet sud-africain.
La courbe des personnalités riches rejoint ainsi celle du boom démographique prévu pour l’Afrique dans les années à venir. Avec une moyenne record de plus de 4 enfants par femme, l’Afrique devrait voir sa population infantile augmenter de 170 millions d’ici à 2030, portant le nombre des moins de 18 ans du continent à 750 millions, selon les prévisions de l’Unicef.
Cette courbe rejoint également une croissance économique prévue pour être la plus rapide au monde après l’Asie dans la prochaine décennie, projetée à 4% par le FMI pour l’Afrique subsaharienne. Commentant ces prévisions optimistes pour le continent, un célèbre chroniqueur politique sud-africain, le juge Malala, voit dans ce boom économique un basculement géopolitique. « Avec l’émergence d’un nouvel ordre politique mondial, les voix africaines s’élèvent (…) dans les instances décisionnelles internationales. Alors que la Russie, la Chine, les États-Unis et l’UE se battent pour obtenir les faveurs du continent, les dirigeants africains sont devenus plus audacieux et exigent un siège aux tables supérieures », note-t-il. Les dirigeants africains tisseront ainsi « des relations plus étroites (avec) d’autres ‘puissances moyennes’ telles que l’Inde, la Turquie, l’Argentine et l’Arabie saoudite ».