L’Afrique dispose de 40 % du potentiel mondial en matière d’irradiation solaire, une richesse inexploitée qui pourrait transformer le continent. Malgré cette ressource abondante, l’Afrique reste à la traîne en matière de capacités photovoltaïques, représentant seulement 1 % des installations mondiales.
Cette situation est en grande partie due à la dépendance historique du continent aux financements externes, notamment les dons et les prêts concessionnels, qui freinent l’émergence d’un secteur privé local capable de développer des solutions durables et de long terme.
Si des initiatives comme le parc solaire de Benban en Égypte, soutenu par des financements internationaux, ont permis des avancées, elles révèlent aussi les limites de ce modèle. Entre 2016 et 2022, la Banque Africaine de Développement (BAD) a approuvé près de 8,3 milliards de dollars pour des projets énergétiques, dont 87 % destinés aux énergies renouvelables. La Banque Mondiale a quant à elle engagé 5 milliards de dollars, avec l’ambition de lever 10 milliards supplémentaires. Pourtant, ces chiffres, bien qu’impressionnants, ne suffisent pas à occulter une réalité alarmante : 600 millions d’Africains vivent toujours sans électricité, soit 83 % de la population mondiale sans accès à l’énergie.
Le véritable défi réside dans l’incapacité de ce modèle à soutenir la création d’un écosystème énergétique africain compétitif. En limitant l’implication du secteur privé, ces financements faussent la concurrence. Comme l’indique Hans Olav Kvalvaag, PDG de Release by Scatec, « les projets gratuits financés par des donations faussent la concurrence et empêchent les entreprises locales de se positionner sur un marché compétitif ». Cela crée un cercle vicieux où l’Afrique dépend continuellement d’acteurs étrangers pour financer des solutions qui ne sont pas forcément adaptées aux besoins et aux spécificités locales. Le secteur privé africain, en particulier, ne parvient pas à s’impliquer pleinement dans ce secteur vital, ce qui compromet les efforts pour un développement durable.
Il faut néanmoins remarquer que le modèle de dépendance commence à changer. Des initiatives comme Mission 300, lancée en 2024 par la Banque mondiale, illustrent le potentiel de renforcement de l’autonomie énergétique en Afrique. Soutenue par des partenaires tels que la Global Energy Alliance for People and Planet (GEAPP) et la Fondation Rockefeller, cette mission repose sur des investissements publics et privés dans la transmission, la distribution et le commerce transfrontalier de l’énergie. Elle veut mobiliser 90 milliards de dollars et vise à réduire de moitié le nombre d’Africains sans électricité d’ici 2030. Elle a déjà ciblé des pays comme le Burkina Faso, la RDC, le Sénégal, le Mozambique, et le Nigeria pour lesquels des compacts énergétiques nationaux adaptés seront mis en place au cours des prochaines années.
Des institutions comme la MIGA (Agence multilatérale de garantie des investissements) ont également un rôle essentiel à jouer. En juin 2024, celle-ci a accordé une garantie de 50,3 millions de dollars pour renforcer un projet de construction de réseaux électriques dans trois villes dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), en faveur du développeur Nuru. Il faut noter que la Société financière internationale (SFI), Proparco et l’Agence française de développement (AFD) ont participé à la mobilisation des fonds pour le projet. En juillet 2024, elle a accordé 23,5 millions de dollars pour soutenir un projet solaire en Tunisie, protégeant les investisseurs contre les risques politiques et économiques.
Ces garanties jouent un rôle crucial en sécurisant les investissements, permettant au secteur privé de participer pleinement à l’expansion de l’énergie solaire en Afrique.
De plus, des projets comme l’initiative Desert to Power de la BAD, qui vise à générer 10 GW d’énergie solaire pour électrifier 11 pays sahéliens d’ici 2030, pourraient devenir un modèle de réseau énergétique interconnecté et autonome. Mais pour réussir, il est impératif d’intégrer les entreprises africaines dans la chaîne de valeur, leur permettant ainsi de développer des compétences locales et de renforcer leur compétitivité sur le marché international.
Jusque-là, le modèle à suivre se trouve dans d’autres pays en développement. En Inde, par exemple, des partenariats public-privé ont permis d’accélérer le déploiement des infrastructures solaires tout en soutenant les entreprises locales. Le Brésil, pour sa part, a utilisé des incitations fiscales pour stimuler l’investissement dans les infrastructures renouvelables, tout en soutenant la production locale d’équipements solaires. Ces exemples prouvent qu’il est possible d’encourager l’émergence d’un secteur privé dynamique, à condition que les politiques publiques facilitent l’accès aux investissements et soutiennent la création de capacités locales.
Les gouvernements africains ont un rôle clé à jouer dans cette transformation. Ils doivent créer un environnement propice à l’investissement en adoptant des politiques claires, attractives et stables. Cela inclut la simplification des processus d’approbation des projets, la réduction des risques liés aux accords d’achat d’énergie et la mise en place d’incitations fiscales pour encourager la production locale d’équipements solaires. Un cadre réglementaire solide et transparent est également crucial pour renforcer la confiance des investisseurs privés.